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Un autre agent de la grançafrique qui ..s’écroule Par Ali El Hadj Tahar

Ce qui est aujourd’hui le Gabon fut colonisé par la France et intégré à la colonie du Congo français en 1882 avant de devenir une colonie distincte en 1906. Le Gabon obtint son indépendance en 1960 pour devenir une république ayant un régime présidentiel mais, en 1967, Omar Bongo prend le pouvoir et ne le cède que 42 ans après. Son fils, Ali, qui le succède, occupe le poste depuis 2009.

Omar Bongo a joué un rôle essentiel dans la stratégie de la françafrique en participant à la déstabilisation de présidents progressistes en Afrique  Il a laissé un pays sous-développé mais a permis à la France de le piller et d’y avoir, à ce jour, des intérêts immenses. Les relations occultes entre l’Elysée et le continent noir s’inscrivent dans ce qu’on appelle la françafrique, une politique mise en place à la fin des années 1950 pour préparer la période post-coloniale. Le mot, très flou, renvoie essentiellement à la dépendance de certains pays au profit de la France via un réseau de moyens militaires, sécuritaires, diplomatiques, d’intelligence, commerciaux, financiers et politiques où la pression, les assassinats, la corruption et les pots de vin, les déstabilisations et coups d’Etat permettent de maintenir des pays supposés indépendants sous une forme de néocolonialisme où leurs richesses ne leur appartiennent presque pas puisqu’elles sont littéralement pillées par l’ancienne puissance coloniale, qui n’y a pas que son drapeau. Cette domination et cette exploitation s’exercent d’abord via le moyen financier, puisque ces pays n’ont même pas une monnaie propre à eux ;  le franc CFA, un système financier, les oblige à mettre leurs réserves monétaires au Trésor français. Après les indépendances, avec plusieurs ex-colonies, plus particulièrement en Afrique de l’Ouest, ce réseau a, entre autres, permis d’installer des chefs d’Etat aux ordres de l’Elysée afin de permettre à Paris de détenir pratiquement tous les contrats d’exploitation, notamment des hydrocarbures et des mines et ce, dès l’indépendance définitive de l’Algérie et surtout après l’arrivée du président Boumediène. Ces alliés français, dont Omar Bongo, président d’un pays très peu peuplé ― il ne compte en 2021 que 2,341 millions ― a joué un rôle fondamental dans la déstabilisation des régimes progressistes en Afrique. En effet, la base française de Libreville servait à organiser ou approvisionner les opérations militaires secrètes menées par la France en Afrique, avec, bien sûr, l’aval du président Bongo. C’était au Gabon qu’étaient installés les mercenaires de Bob Denard, qui agissait pour le compte des services de renseignements français. Dès 1967, le Gabon a joué un rôle essentiel dans la mise en place des coups bas français : c’est du Gabon que sont parties les armes à destination des sécessionnistes du Biafra (Nigeria), soutenus, entre autres, par la France et la Côte d’Ivoire. C’est du Gabon qu’a été lancée en 1976 une opération de déstabilisation manquée du Bénin alors dirigé par le marxiste Mathieu Kérékou qui a nationalisé les ressources naturelles de son pays.  Alors que Houphouët-Boigny, le président de la Côte d’Ivoire, était la tête pensante de la françafrique, Omar Bongo en était le sous-traitant. D’ailleurs, l’argent du pétrole, qui ne partait pas dans sa poche mais assurait le financement des putschs, assassinats, guerres civiles et actes de terrorisme pour déstabiliser des pays progressistes comme la Libye, allait dans la poche des chefs d’Etat, ministres et chefs de partis politiques français. Bongo était généreux et arrosait toutes les formations françaises, comme l’a révélé l’affaire Elf, un vaste scandale qui a éclaté dans les années 1990. C’est Elf-Gabon qui finançait des opérations subversives en Afrique et arrosait des hommes politiques français en même temps.

Le Gabon, que l’on appelait «pays PUM» autrefois à cause de son sous-sol riche en pétrole, en uranium et en manganèse, n’est pas sorti des griffes de la françafrique puisque les stratèges français vont permettre au fils de Bongo, Ali, de lui succéder malgré la fraude massive dont il est accusé. A la suite de l’annonce des résultats du vote, des émeutes éclatent à Port-Gentil et sont violemment réprimées, faisant au moins 15 morts. La françafrique ne se soucie pas des morts ni de la démocratie. Ali Bongo va continuer à permettre aux entreprises françaises de traire gratuitement le pays. La France n’est pas regardante non plus en matière de corruption, alors qu’en 2010, Ali Bongo acquiert l’hôtel de Maisons à Paris pour 100 millions d’euros, Nicolas Sarkozy le décore grand officier de la Légion d’honneur. Nicolas Sarkozy le soutiendra aussi lors des élections de 2009 par la voix de son conseiller, Robert Bourgi.

Une tentative de coup d’Etat échoue le 7 janvier 2019. Depuis, Ali Bongo est de plus en plus effacé, voire débonnaire. En 2021, il est cité dans le scandale des Pandora Papers, qui révèle le nom de personnalités supposées détenir des actifs dans des paradis fiscaux.

Le Gabon, ce pays forestier riche en ressources, dont la langue officielle est le français et où le christianisme est la religion la plus pratiquée, était jusque-là considéré comme un des symboles de la françafrique. Avec le Gabon, la France est liée par de nombreux accords, particulièrement un accord de défense. A Libreville et Port-Gentil, Le Gabon abrite une des dernières bases permanentes françaises en Afrique, celle du 6e bataillon d’infanterie de marine forte de 1.000 soldats. Economiquement, l’entreprise française Total est le principal producteur de pétrole du pays, qui n’a pas d’entreprise nationale. La conséquence de la françafrique est d’avoir mis à genoux les pays néo-colonisés dont le Gabon, qui aujourd’hui est en train de vivre un coup d’Etat qui augure qu’un changement positif, comme cela s’est passé au Niger, au Mali et au Burkina Faso, trois autres pays de la zone franc CFA. Que fera la France maintenant qu’un de ses amis vient de tomber ? Ce n’est pas tant les bases militaires qui comptent pour la France puisqu’elles ne sont qu’un outil, mais les ressources que recèle cet autre pays qui vient de jeter un des derniers masques de la face obscure de la françafrique.

A.E.T.

 

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